Le mot de l’expert

« « Ce qu’il adore, c’est mon téléphone”: les parents sont très fiers de la dextérité des enfants sur les écrans et de ce qu’ils semblent apprendre. Les messages concernant le rôle éducatif des écrans sont confus. Les chercheurs et cliniciens dont je fais partie alertent sur les dangers des écrans sur les tout-petits, quand quelques voix médiatisées et impliquées dans le numérique déplacent le problème à la nature de leur usage, encourageant à les utiliser tôt. Avec le Covid, les tout-petits ont vécu le confinement de plein fouet et ont été livrés aux écrans jusqu’à 10h par jour. Ce phénomène s’est révélé en consultation par des troubles beaucoup plus graves, notamment d’addiction depuis 2020.

Entre 0 et 3 ans, les écrans privent le tout-petit de ses besoins essentiels : interagir de manière fréquente et de qualité avec des humains, créer une relation d’attachement avec les adultes qui s’occupent de lui, explorer le monde en 3D avec tous ses sens et tout son corps. Le temps passé devant les écrans passifs ou actifs, entraîne des retards de développement. Les écrans des parents sont aussi en cause dans ce qu’on appelle la “technoférence”, cette interférence de la technologie délétère à la relation de communication. Chez le tout-petit, elle peut s’avérer dramatique.

L’être humain a deux types majeurs d’attention : l’attention focalisée, ou “concentration”, se développant surtout entre 6 mois et 4 ans, qui lui permet de s’attarder sur une tâche complexe et la mener à bien, et l’attention réflexe permettant de réagir aux événements de l’environnement et éviter les dangers. Les écrans, avec leurs couleurs, sons et appels à l’action, stimulent l’attention réflexe involontaire. Un tout-petit n’ayant pas au départ de capacité de concentration, va rester captif de l’écran, dans des conditions particulièrement stressantes pour un cerveau immature. Ce qu’on observe en premier sont les troubles de l’attention. Celle-ci se développe progressivement grâce à l’adulte qui incite l’enfant à rester “focus” sur son activité par des interactions et encouragements. Dans le cas d’une surexposition aux écrans, les enfants ne peuvent pas se concentrer : ils s’agitent beaucoup, ont des difficultés à jouer avec des objets, les jettent, etc. Le phénomène se retrouve en crèche. »

Pour aller plus loin : Les tout-petits et les écrans : les parents sont la solution – Ensemble pour la Petite Enfance (eduensemble.org)